Interview d'Antoine Sire, directeur de l'Engagement d'entreprise de BNP Paribas et membre du Comex.
Interview parue dans le n°43 de Décisions durables
Comment BNP Paribas a-t-elle traversé cette crise du Covid ?
Dans ce contexte de crise sanitaire, les banques font partie de ces entreprises désignées comme essentielles au fonctionnement de l’économie. Cela a donc été une période d’activité intense, que ce soit :
en interne, pour mettre en place l’organisation la plus souple possible pour continuer à servir nos clients, tout en protégeant nos collaborateurs et en leur assurant les meilleures conditions de travail, en ligne avec les consignes émises par les autorités sanitaires ;
vis-à-vis de nos clients pour les aider à passer ce cap difficile : les PME, pour lesquelles nous avons traité plus de 55 000 demandes de Prêts Garantis par l’État pour plus de 16 milliards d’euros, mais aussi les grandes entreprises dans le cadre de crédits syndiqués ;
ou dans l’aide que nous avons voulu apporter en activant un plan de soutien d’urgence de 55 M€ dans plus de 30 pays afin de soutenir les hôpitaux, les populations fragiles et la jeunesse via notamment un don direct de 2 M€ aux hôpitaux de 12 métropoles régionales, un don de 3,5 millions de masques aux hôpitaux à travers le monde, ou un soutien d’1 M€ destinés aux hôpitaux de Seine-Saint-Denis où nous sommes le premier employeur privé du département.
Cette crise vous fait-elle considérer votre métier sous de nouvelles perspectives ?
Nous y réfléchissons depuis longtemps. La direction de l’Engagement d’entreprise dont je m’occupe en est une preuve. Notre « Raison d’être » publiée en début d’année, synthèse de trois documents élaborés avec la participation d’un grand nombre de collaborateurs, portant respectivement sur les concepts de mission, d’éthique et d’engagement dans la société, en est une autre. Cette crise nous conforte dans ce chemin en nous montrant que les notions de bien commun, de collectif, de développement durable et responsable sont aujourd’hui incontournables. Elle nous permet aussi de toucher du doigt la violence des impacts à venir de la crise climatique si nous ne faisons rien. Cela a nécessairement une influence directe sur notre métier.
C’est-à-dire ?
En tant que prêteurs, nous engageons auprès de nos clients des sommes sur un temps relativement long. Cette activité n’a de sens économique que si le prêt est remboursé, donc si l’entreprise est pérenne. Or, nous voyons bien aujourd’hui que le non-respect des attentes de la société ou des enjeux écologiques sont des facteurs de fragilités qui mettent de plus en plus en péril la capacité des entreprises à se financer. À titre d’exemple : nous avons pris en 2017 des engagements dans le secteur du pétrole et du gaz non conventionnel. Cela a représenté pour nous une perte de revenus de 100 M€ aux États-Unis mais quand on voit la situation économique de ces acteurs aujourd’hui, nous nous félicitons de ne plus être engagés auprès d’eux. Ou quand les raisons écologiques deviennent un bon sens économique. Nous souhaitons accompagner nos clients afin d’accélérer leur transition, mais nous n’hésitons pas à cesser de les financer lorsqu’ils n’avancent pas dans le bon sens.
Cette crise peut-elle changer l’image que les gens se font des banques et des entreprises en général ?
Je crois que les banques ont compris qu’il y avait dans cette crise du Covid un rendez-vous historique à ne pas manquer avec la société. Et si l’on en croit l’étude Ipsos qui note une amélioration de leur image de 18 points, elles ont su répondre présent. Les entreprises sont aussi plus proactives et coordonnées dans leurs actions, se réunissant en coalitions ou collectifs pour peser davantage dans les débats et échanger leurs bonnes pratiques. Un vrai mouvement est en train de se structurer. Nous comptons bien y prendre toute notre part, en entraînant avec nous nos clients pour en démultiplier l’impact.
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