Tribune d'Isabelle Mashola, CEO d'Isahit, parue dans Les Echos le 2 décembre 2020.
« Tech for Good » : c’est LA tendance du moment. Grandes entreprises comme start-up s’en réclament, conscientes que la société attend désormais d’elles qu’elles aient un impact positif sur le monde et la société. Et, nous ne pouvons que nous en réjouir. Ce mouvement doit être encouragé, à condition bien sûr que le « goodwashing » ne soit pas le nouveau « greenwashing ». Mais qu’entend-on exactement par « good » ? « Good » pour qui et pour quoi ? À l’expression « Tech for Good », Mathieu Baudin, historien et directeur de l’Institut des futurs souhaitables préfère à la notion de « Tech for What », renvoyant davantage au sens de la technologie, à son utilité et à sa raison d’être. Mais une autre déclinaison est possible, celle de « Tech for People », sous entendant que la tech doit se mettre au service des gens.
Du sens à l’impact
Plus qu’un énième slogan du jargon « startupien », la « « Tech for People » permet de diriger et d’évaluer l’impact concret d’une technologie ou d’une entreprise, non plus sur un « bien » évanescent mais sur la vie réelle des gens. Elle donne également la possibilité de sortir par le haut de cette opposition trop souvent érigée entre la technologie et l’humain, comme si la première était une menace pour le second. La technologie n’est en soi ni bonne ni mauvaise : c’est l’usage que l’on en fait qui compte. Or, que ce soit pour améliorer la santé, générer de l’entraide, ou protéger l’environnement, le digital a démontré à maintes reprises qu’il pouvait contribuer à améliorer la vie et le quotidien de millions de personnes. Dans les pays en voie de développement, notamment, la technologie fait émerger des opportunités. Des personnes en situation de précarité ou de fragilité peuvent aujourd’hui s’émanciper personnellement et financièrement, mais aussi s’épanouir, en se formant aux nouveaux métiers du numérique.
Face à la fracture numérique
Au-delà de l’impact positif qu’elle peut avoir sur la vie des gens, la technologie est et sera de plus en plus une compétence indispensable à assimiler pour profiter à plein des opportunités du monde de demain. C’est une question « « d’empowerment ». « Tech for People », c’est aussi répondre à cet enjeu qui consiste à faire du digital un levier puissant d’inclusion. La fracture numérique n’épargne personne, pas même les « digital natives ». Aujourd’hui, les jeunes perçoivent surtout la dimension ludique de ce phénomène mais ne le considèrent pas forcément comme un moyen d’insertion ou un tremplin professionnel. Or, il ne suffit pas de savoir créer et animer son compte Instagram pour se prétendre un expert de la tech. Nombreux sont les jeunes adultes de la génération Z, qui ne disposent pas des bonnes compétences pour candidater efficacement à un emploi en ligne. Tout cela s’apprend.
Former pour gagner en productivité
Plus loin, il s’agit de former en continu une population active qui n’arrive souvent pas à suivre le rythme effréné des innovations : un enjeu économique majeur ! À ce jour, seuls 30,9% des Français disposent d’un peu plus que les connaissances numériques de base contre 50,1% des Finlandais et 48,8% des Britanniques. Dans une étude intitulée « L’utilité de la formation pro face à la révolution digitale », les économistes Nathalie Chusseau et Jacques Pelletan de l’Institut Sapiens estiment que former au numérique 10% de la population active française, soit 3 millions de personnes, pendant 6 mois, permettrait d’obtenir immédiatement une augmentation du PIB de 2,5%.
Par l’humain, pour l’humain
Les Millennials qui seront au cœur de l’entreprise de demain ne veulent plus de bullshit jobs. Ils souhaitent donner du sens à leur travail, sentir qu’ils contribuent à un monde meilleur, qu’ils peuvent avoir un impact dessus tout en aspirant à des carrières moins linéaires et plus agiles. Se revendiquer de la « Tech for People », c’est à la fois leur ouvrir cette perspective de sens et leur donner tous les outils pour évoluer comme ils l’envisagent dans un monde toujours plus digitalisé. C’est aussi, pour les entreprises, l’opportunité d’attirer les meilleurs talents afin de rester à la pointe de l’innovation. Qu’on se le dise : la tech de demain ne se fera que par et pour l’humain.
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