Interview de Franck Hélary, directeur général adjoint de Crédit Agricole Immobilier.
Interview parue dans le n°45 de Décisions durables
Quels sont les défis que doit relever l’immobilier aujourd’hui ?
La ville devient chaque jour plus dense et l’urgence environnementale n’a jamais été aussi pressante. Cela nous pousse à trouver des solutions pour diminuer l’impact carbone des projets immobiliers, anticiper le réemploi des matériaux, penser la réversibilité des bâtiments, tout en nous adaptant aux nouveaux usages et aux nouvelles manières de vivre la ville. Le coworking, le flex office et bien sûr le télétravail constituent par exemple des transformations de fond. Nos bâtiments doivent être pensés pour accompagner ces évolutions tout au long de leur cycle de vie. Crédit Agricole Immobilier s’inscrit pleinement dans cette transition, que ce soit en immobilier de bureau, en matière de logement ou en immobilier d’exploitation. Nous avons identifié quatre marqueurs pour guider nos actions et consolider nos réponses aux grands enjeux de société :« l’éco-bâtiment », « la nature en ville »,« le bien-être et la santé » et « la citoyenneté responsable ». L’objectif : transformer durablement nos pratiques et renforcer notre contribution pour bâtir une ville plus respectueuse des hommes et de la planète, en cohérence avec la raison d’être du groupe Crédit Agricole « Agir chaque jour dans l’intérêt de ses clients et de la société. »
Comment réduisez-vous concrètement l’empreinte carbone des bâtiments ?
L’entrée en vigueur de la RE 2020 amplifie la nécessité d’intégrer, dès la conception, les nouvelles façons de construire. À commencer par privilégier la réhabilitation pour conserver l’existant tout en augmentant ses qualités environnementales et d’usage.
C’est le choix que nous avons fait avec la Caisse régionale de CA Franche-Comté à Besançon. Cette réhabilitation certifiée HQE (Haute Qualité Environnementale) niveau excellent, a été conçue pour des consommations énergétiques réduites grâce à une isolation renforcée, une production d’énergie 100 % renouvelable (géothermie sur nappes phréatiques et panneaux photovoltaïques en toiture) et un éclairage entièrement LED.
Qu’il s’agisse de logements ou de bureaux, nous favorisons une gestion écoresponsable des matériaux et de l’énergie (matières premières biosourcées, écoconception). Grâce à une stratégie d’innovation qui tire profit de la technologie mais aussi de notre expérience pour améliorer l’efficacité énergétique, nous initions des démarches vertueuses en lien avec nos clients, investisseurs ou utilisateurs en les accompagnant dans des labels environnementaux ou des process certifiés.
Sur le projet de la Porte de Montreuil, que nous avons remporté avec Engie et Nexity dans le cadre du concours « Reinventing Cities », nous avons anticipé les enjeux du changement climatique en proposant un projet Zéro Carbone global qui prend en compte l’impact de la construction, de l’énergie nécessaire aux bâtiments et des modes de mobilité de ses futurs usagers. Terre crue, pierre, béton de chanvre… 80 % des matériaux utilisés seront issus de l’Île-de-France et mobiliseront des ETI et PME locales. Sur le plan énergétique, ENGIE et ZEFCO (conseil environnemental) ont développé une stratégie exemplaire qui allie la géothermie à3 000 m² de toitures biosolaires.
Sur « Les Lumières Pleyel » à Saint Denis, un vaste projet qui mixe bureaux et logement, nous nous sommes fixés avec nos partenaires un objectif ambitieux : obtenir la certification E2C1, le niveau le plus exigeant en matière énergétique et d’empreinte carbone en construction. Les isolants, les peintures, les revêtements, les matériaux biosourcés, tous les leviers sont étudiés.
Enfin, depuis septembre dernier, nous sommes signataires, au côté d’une trentaine d’acteurs de l’immobilier, du programme « Booster du réemploi » : une initiative ambitieuse en faveur de l’économie circulaire.
En quoi consiste votre démarche Nature en Ville ?
Notre ambition affichée est de renouer le lien entre l’humain et la nature grâce à des activités agricoles au coeur de nos programmes, et ainsi mieux protéger l’environnement, préserver la biodiversité, et faciliter les liens entre les occupants et les acteurs locaux qui accompagnent ces installations.
Le projet Agriville fait partie des 15 lauréats de l’appel à projets innovants « Dessine-moi Toulouse ». Sur le site du château de Paléficat, au nord-est de la ville, l’enjeu de cette transformation est de préserver les terres agricoles et leur biodiversité tout en créant un nouveau quartier où la vie s’organise autour de la nature. Ce territoire en bordure de ville a été repensé comme une centralité agricole. Les cultures, l’eau, les animaux feront partie intégrante de ce nouveau coeur de ville et un grand parc de plus de 5 hectares permettra de proposer une mixité et une richesse d’activités au centre du quartier (jardins partagés, production d’énergie à partir de biomasse, recyclage des biodéchets en engrais naturels, écopâturage…).
Une démarche que nous déployons autant sur nos projets résidentiels que tertiaires, dont le campus Evergreen à Montrouge constitue un bel exemple. Il a d’ailleurs obtenu cette année le label BiodiverCity® Life qui récompense nos engagements pour faire de ce lieu, au potentiel écologique visible par la diversité de la faune et de la flore, un campus qui favorise la qualité de vie et le bien-être des collaborateurs.
Comment faites-vous vivre l’innovation pour enrichir ces initiatives ?
Nous travaillons dans une démarche d’open innovation, en partenariat avec les acteurs locaux. Par exemple, nous contribuons au dynamisme des pépinières « Village by CA » et rencontrons régulièrement des startups pour pitcher autour de nouveaux usages, services et opportunités pour nos activités. L’idée est principalement de promouvoir des usages intelligents pour des comportements responsables et d’innover dans les process en s’appuyant sur les opportunités offertes par le digital. L’innovation est la clé pour mettre en oeuvre des solutions globales intégrant les enjeux de la neutralité carbone, de l’éco-sociologie et de la biodiversité, nécessaires à construction d’une ville durable. Nous comptons bien y prendre toute notre part.
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